La mer lactée

Reflets sur la mer, plage des Aresquiers
Jeudi 25 août 2005

7 heures

Sur l’étang de Vic
dégradé arc-en-ciel dans l’eau
cinq flamants roses glissent sur l’irisation
dans le silence des cygnes
voix rauques dans les roseaux
en file indienne les flamants
se rapprochent d’un autre groupe frisant
l’eau rosie de mauve en direction du nord

strates or et carmin veloutées
dans un ciel feu
de vifs poissons percent d’ondes concentriques
la surface du calme miroir aquatique

atteignent l’eau cuivrée les flamants alignés
entament l’eau grisée de rose

au bas du ciel
de l’orange embrasé
annonce du rouge incendiaire
à fleur d’eau
se mauve se grise se dore encore plus l’eau
rougit de sang
naît le soleil
sort la tête illuminée de l’eau
crie une mouette
crient les oiseaux

ciel bleuâtre au nord
moirée l’eau en bordure des roseaux
les roseaux écoutent
le reflet sur l’eau est gorgé d’or
un canard flotte solitaire
dans la coulée en fusion
de la boule aplatie de feu
l’eau de l’étang grisée pâlit
se nappe de cuivre à reflets rouge
on entend le chœur des flamants
soleil et reflet écrasent tout
s’intensifie l’enrouement des flamants

le reflet trouble l’eau de vapeur d’eau
à l’horizon de l’étang ruban dormant d’eau blanche
une barque de pêcheur y est posée

s’éclaire fort la traîne du soleil déjà haut
cap sur la mer

7 heures 22

mer bleuâtre sans écume
lisse comme du lait
ciel tout embué de nues
bleuté et coquille d’œuf
la fraîcheur humide me plombe
soleil blanc diffus dans les nues
reflet jaune pâle sur lait jaspé
le reflet devient froid
je « pègue » de partout !

un camion de travaux descend sur la plage
je lui laisse la place
énormes traces de pneus sur le sable vierge

le soleil frôle le sable j’ai moins froid
scintillent galets
paillettes dans le sable damé par la vague
sur la mer à l’horizon sud le bandeau blanc
ressemble comme deux gouttes d’eau
au ruban vu sur l’étang
le reflet liquéfié inonde violemment l’eau tendre
le soleil s’impose dans un ciel humide de bleu
les vagues roulent douces

7 heures 44

je marche entre deux sillons alvéoles de pneus
une barque de pêcheur s’arrête non loin du rivage
seule réalité dans la mollesse ambiante
soleil humide chauffe très doux
ciel crémeux
j’arrive au niveau de la barque
ondoie sur la mer lactée
à sa proue le reflet limpide
le pêcheur étend ses filets
le reflet dépasse la barque avec moi
il me suit
prolonge mon regard à l’infini

à l’est la mer rentre dans le ciel
monté haut le soleil reflet trop luisant

un chercheur de trésor écouteurs aux oreilles
se concentre sur le ballant de son balai d’astronaute
creuse le sable de son râteau grillagé

le son de la mer est profond
le trésor est dans la mer

un jogger me dépasse d’un pas mesuré
sur la respiration de la vague

8 heures 12

caresse tiède sur ma peau
mais toujours des frissons en dedans
tonalités mercure sur les flots lissés
des embruns me montent aux narines
l’humidité me pèse aux épaules
vacarme des flots ?
non c’est le camion qui revient
par le bord de mer pourquoi si vite ?

à l’horizon ligne de brillance dorée
descendue du soleil
trop haut trop puissant de luminosité
je me garde de le regarder
le reflet sur l’eau se perd en clapotis
d’éclats de lumière violente de-ci de-là

8 heures 21

ultimes éclats du reflet à mes pieds
me donne envie de les chauffer dans l’eau
c’est un leurre l’eau est froide

le ruban d’eau blanche à l’horizon rétrécit
et absorbe la ligne dorée
les vagues lèchent le sable d’eau claire
La Grande Motte se dérobe sous brume blanche
un tronc d’arbre se fait rouler par la vague
je m’enfonce dans le sable le ciel dans la mer

près du blockhaus deux catamarans un canot pneumatique
et une population de campeurs adolescents
dont certains encore roulés dans leur sac de couchage
quatre jeunes-gens joyeux venant de la mer
rejoignent le campement
la vanille du ciel se teinte un peu de bleu
mer huilée de lait

sur le sable de la grève des fresques fraîches sont gravées
probablement l’œuvre du groupe d’adolescents
visages de coquettes cœurs épanouis nus féminins parés
à Clélia en lettres géantes
l’amour toujours !

des barques commencent à poindre
fourmis à l’horizon
frissons encore en moi
partage des cieux
onctueuses clartés grises bleu aérien à voiles blanc

8 heures 55

La Grande Motte ouatée d’angora blanc
à l’horizon une brume fantôme se répand
puis se noie
barques estompes de fusain
sur le sable face à la mer
une installation artistique de bois flotté
regarde l’immensité
les barques fondent

voûte céleste en lévitation bleu-ciel
sur la mer ciel laiteux

9 heures 13

je fais demi-tour
la mer change de ton
de bleu phosphore
je marche pieds-nus
dans les vaguelettes
l’eau est glacée
irai-je m’y baigner ?

9 heures 35

je me mouille à petit feu
bain de mer bain de ciel
étendue nue comme un poisson dans l’eau
les frissons de l’eau me glissent sur la peau

apparition d’un morceau d’arc-en-ciel
dans une trouée de nue blanche voile de lune irisée

Jeudi 25 août 2005, marche sur la plage des Aresquiers. (Frontignan – Vic la Gardiole, Hérault, France)

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