Le Caravage 1571 – 1610
« Corps et Ombres » fut la grande exposition médiatique présentée au musée Fabre de Montpellier du 23 juin au 14 octobre 2012. L’exposition réunissait neuf chefs-d’œuvre du Caravage – sur une soixantaine de toiles réalisées lors de sa fulgurante carrière – escortés de 74 toiles des principaux artistes du mouvement caravagesque du Sud de l’Europe, dont sept Georges de La Tour, un Velasquez, un Zurbaran !
Simultanément le musée des Augustins de Toulouse présentait l’autre volet de l’exposition « Corps et Ombres » avec les œuvres d’artistes du mouvement caravagesque du Nord de l’Europe, flamand et hollandais, tel Rembrandt par exemple. Les œuvres étaient prêtées par de prestigieux musées du monde entier.
J’ai visité l’exposition du musée Fabre le 8 septembre, le matin, dans l’espoir d’éviter les foules et de pouvoir prolonger la visite l’après-midi. Mais sur le terrain j’ai dû m’adapter au contexte car avec l’afflux des visiteurs il était très difficile de s’approcher des œuvres. En début d’après-midi je me suis alors offert la compagnie des œuvres de Soulages que pour moi dans leurs galeries désertes !
Ces deux expositions ont été amplement commentées dans les média. Sur Internet on trouve beaucoup d’information sur Le Caravage et ses « suiveurs ». Aussi, me contenterai-je d’évoquer les œuvres qui m’ont le plus interpellée.
Mais tout d’abord quelques mots sur la brève vie de Michelangelo Merisi da Caravaggio (nom de la petite ville où il passe son enfance) Le Caravage naît à Milan le 29 septembre 1571. A 22 ans il entre dans l’atelier de Césari, peintre attitré du Pape. Il y peint fleurs et fruits. Puis il quitte l’atelier et se lie avec des artistes d’Académie. Il peint alors tableaux religieux et scènes de genre. L’homme est « belliqueux, violent, transgressif » écrit José Frèches, historien de l’art. Suite à un duel, Le Caravage tue son adversaire. Il est condamné à mort et mène une existence d’errance pour fuir la justice et l’Eglise. Il se déplacera à Malte, Naples, Palerme. Il n’a pas atteint ses 40 ans quand on le trouve mort sur une plage de Toscane en juillet 1616. Personne ne demandera sa dépouille. La cause du décès reste inconnue. Ces circonstances rappellent la mort du cinéaste Pasolini et, plus troublant, il y a une certaine ressemblance dans des portraits que dresse le Caravage avec le portait du cinéaste. Le génie du Caravage tombera dans l’oubli et sera reconnu au XIXe siècle.
Galerie du Caravage
Plusieurs peintures du Caravage seront observées dans les prochains messages. Voici pour commencer la peinture « Garçon mordu par un lézard »
Garçon mordu par un lézard. 1593-1594. National Gallery, Londres. Huile sur toile, 66 × 49,5 cm
Cette œuvre a fait l’affiche de l’exposition. Son style précieux semble influencé par le Baroque né à Rome à la fin du XVIe siècle. Cependant on y reconnait le clair-obscur dense propre au Caravage. A la Renaissance les peintres recherchent à exprimer la lumière, et Léonard de Vinci est un des premiers à travailler le clair-obscur en expérimentant la répartition de la lumière sur un visage à partir d’une seule source d’éclairage. Le clair-obscur du Caravage est violent. Les ombres sont accentuées à l’extrême pour faire jaillir par opposition la lumière des ténèbres, le bien du mal, le relief des chairs et des choses.
Le garçon semble confiné dans un écrin car certaines ombres sont veloutées et il y a peu d’espace autour de lui. Le voluptueux drapé aux oiseaux figurant la chemise, coupé au coude, donne un prolongement virtuel aux lignes du vêtement. Cadrage serré, plein, personnage à mi-corps, massivité du corps, clair-obscur, ces caractéristiques du style du Caravage sont déjà inscrites dans cette oeuvre de jeunesse.
La vivacité du garçon dont le doigt vient d’être mordu par un lézard donne à ressentir l’instantanéité de la morsure par le positionnement réaliste des mains et ausi parce que le personnage est pris dans la dynamique d’une diagonale qui abaisse le plafond et rejoint à angle vif la diagonale de bordure de la table creusée par une ombre forte noyant le buste. Le bras plié forme, de l’épaule jusqu’à la main, un autre angle vif contrariant le précédent, toutes ces obliques mettent de l’électricité dans l’alcôve ! Le tout est adouci par des détails extrêmement raffinés, le drapé de la soie, la nature morte au vase de fleurs rempli du charme d’une eau bleue. Tendresse dans les rondeurs du visage, sensualité de l’épaule. Œuvre pleine de symboles que vient encore accentuer la secrète diagonale qui relie la fleur dans les cheveux à celle du vase. Les portraits de jeunes-gens maniérés sont récurrents dans l’œuvre de l’artiste.
LIENS
Wikipedia déroule une belle liste de reproductions d’oeuvres du Caravage « identifiées ou contestées » ; la plupart de sa main
Et bien sûr sur des informations fondamentales sur la vie et l’œuvre du Caravage
A suivre
Salomé recevant la tête de St Jean-Baptiste
L’Amour endormi