Chemin des z’Arts

 

Chemin des z’Arts 2015
Saint-Laurent-le-Minier

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zArts_chez_Françoise_18_07_2015_L_chaussureMLLes 18 et 19 juillet 2015, mon jardin a accueilli les œuvres de Marie-Lydie Joffre à l’occasion du Chemin des z’Arts. Les visiteurs ont pu les contempler tout autant que le paysage, marqué par la catastrophe survenue l’automne dernier.
Merci à tous ceux qui sont passés par là.

Françoise Renaud

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zArts_chez_Françoise_18_07_2015_009_LDe gauche à droite : Marie-Lydie Joffre, Chantal Bossard et Françoise Renaud
Photographies 1,3,4 et 5 : Françoise Renaud / 2 et 6 : Chantal Bossard
Blog du Chemin des Z’Arts

Aquarelle de Delacroix. Interaction du fond et du sujet en peinture (3)

Cheval effrayé par l’orage est une aquarelle romantique d’Eugène Delacroix. Au premier plan, le cheval qui se cabre semble émaner de la fougue du ciel, grâce à la préparation dynamique du fond de l’oeuvre sur lequel il se découpe en un contraste saisissant de luminosité. Un ciel profond, noir nuagé de verts, dont on devine par endroit le grain du support papier, un sol éclairé sépia, et entre les deux, une étendue glacée de noir à la finition du travail, servent de mise en valeur au corps elliptique du cheval dont la silhouette électrisée, zébrée de zones verdâtres, a été préalablement réservée sur le support dès la mise en oeuvre.

 Delacroix_cheval_LCheval effrayé par l’orage. Aquarelle d’Eugène Delacroix. 23,6x32cm. 1824. Budapest, musée des Beaux Arts.

Médusé, le cheval est peint à l’aide des éléments. Les ombres vertes et sombres du corps et des pattes y sont puisées, réchauffées parfois d’un lavis brun de la teinte du sol ou soulignées de vert clair pour trancher sur les tonalités sombres. Les pattes en zigzag font écho à la fulgurance des éclairs. La crinière et la queue miment le tumulte des nuages à coups de vagues de flammèches d’où émergent des figures de harpie, de dragon…

A noter que la touche verte, posée directement sur le blanc du papier, est aérienne. Rare en aquarelle, la texture des rehauts est pâteuse, toutefois fouettée par le trait nerveux de Delacroix. Les parcelles du support papier non recouvertes de peinture chauffent le cheval à blanc. Au cœur de l’œuvre, des pointes écarlates, complémentaires de toute cette véhémence de jade, ajoutent un cerne dramatique aux yeux exorbités, naseaux flageolants, oreilles dressées en bec d’aigle crachant le feu du ciel !

Pastel d’Odilon Redon « La naissance de Vénus ». Interaction du fond et du sujet en peinture (2)

 

Observation du pastel d’Odilon Redon « La naissance de Vénus »

REDON_VENUS_braceletLa naissance de Vénus, Pastel, Odilon Redon, vers 1912, 84,4 x 65 cm, Musée du Petit Palais, Paris

Reproduction scannée dans l’album Redon » chez Taschen. 

Le pastel d’Odilon Redon, La naissance de Vénus, est construit en trois phases. Le fond, de couleur froide, le premier plan de couleur chaude et le sujet, soit Vénus qui fait le liant entre les deux volumes de cette planète. Est-ce la mer qui se profile tel un ciel en arc de cercle, moutonné de gerbes turquoise et bleu ou serait-ce le ciel ? Est-ce une mer intérieure qui se réfléchit dans la fosse noire exacerbant les bleuités vert sombre de chimères animales et botaniques ? Les imprécisions des oeuvres d’Odilon Redon cultivent le mystère. Les faisceaux de hachures qui font la texture de l’oeuvre, tracés d’une main indolente mais déterminée, nous aspirent dans l’alvéole du rêve. Au centre de l’oeuvre un rempart de crêtes ensoleillées encercle un promontoire encombré. Vénus en surgit comme d’un magma. Elle ne naît pas de l’onde, offerte en lumière sur une frêle coquille métaphorique à l’instar de la déesse de Botticelli, mais d’un récif périlleux, informe, voué aux gémonies. L’arc de cercle noir en bas de l’oeuvre semble être le premier jet du dessin d’une barque !

Vue de trois quart, nue, debout dans une anfractuosité, sorte de vasque, d’embarcation qui prend l’eau, de menhir renversé, ne sachant pas où prendre pied, instable, Vénus se contorsionne de pudeur. Les contours de son corps sont dessinés sur une réserve du support préservée de pigments. La couleur ocre jaune du support papier donne sa tonalité au corps, juste rehaussé dans la tonalité. Tête et bras ont subi un estompage fantomatique à partir de la poudre des nuées aquatiques. La déesse a la tête dans les nuages de vagues, son diadème est éclairé. Cette grande économie de moyens la projette toute lisse et légère au premier plan. L’ocre est visible à travers les couches de pastel aérées, non superposées, en un fourmillement sous-jacent de grains de sable chauds.

Rupture de style, une grande tache plâtrée de blanc jusqu’à la trame du support et qui fait penser à un animal en fuite, nous met soudain devant la dure réalité d’une lumière de réveil brutal. La naissance de Vénus a l’étrangeté onirique des oeuvres d’Odilon Redon.

 

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Pastel piqué. Des piqures de moisissures se sont invitées avec le temps, repérables surtout en haut de l’oeuvre. Les doigts du pastelliste travaillant la poudre, en contact direct avec les pigments et le support, laissent des traces dont se réjouit parfois l’humidité ! 

Face à face de l’œuvre et du regardeur

Il dépend de celui qui passe que je sois tombe ou trésor
Paul Valéry

A l’occasion d’un vernissage, le photographe a saisi la rencontre de Samantha et d’un pastel exposé. Surprise en cage dans un face à face avec l’oeuvre, Samantha se trouve dans des conditions d’isolement propices au dialogue ! Son attitude sensitive est évocatrice de ses sentiments.

Saisissement de la découverte !

Questionnement et recueillement

Moment du flottement de la perplexité ! Approcher le matériau, essayer d’en pénétrer le mystère, être à l’écoute de ce qu’il provoque en soi où tout se bouscule car l’oeuvre donne à ressentir, penser, imaginer, et questionne autant qu’elle demande…

Transportation au-delà de l’œuvre

Regard intérieur, peut-être inspiré par ce sentiment de plénitude secrète que l’on éprouve souvent à la visite d’une expo, et qui donne confiance en soi et désir de créativité.

L’œuvre qui s’est vue regardée, existe, ainsi est-elle ressourcement pour le regardeur, et l’auteur.

Ce qui importe c’est de fonder un amour nouveau à partir d’êtres et d’objets jusqu’alors indifférents
René Char (« Sous la verrière » conversation avec Georges Braque »)
avec l’aimable autorisation de Samantha et de ses parents
Papillon vermillon, pastel de Marie-Lydie Joffre
Photos © Jacques Joffre

Sunday, August 21, 2011

“Corps et ombres” Caravage et le caravagisme européen (4) Georges de La Tour

Georges de La Tour (Vic-sur-Seille, 1593 – Lunéville 1652)

image(1)Le Nouveau-né. Huile sur toile. Vers 1648. H. 76 cm ; L. 91 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts

Voici l’inespéré en peinture ! Quiétude de l’inquiétude, chaleureuse intimité, les âges de la vie, jeune maman étonnée, pensive, petit souffle de tendresse comme un brin de buée au nez du nourrisson, on ne se lasse pas de contempler ce chef-d’oeuvre, sans cesse renouvelé telle la respiration. Oeuvre universelle.

Georges de La Tour est un peintre visionnaire. En son temps, le XVIIe siècle, ses oeuvres étaient déjà très appréciées. L’artiste, peintre ordinaire du roi Louis XIII recevait des commandes de la part de la Cour et de clients parisiens. Il avait offert au roi une peinture de “Saint Sébastien”, pièce si belle que le monarque “fit ôter de sa chambre les autres tableaux pour n’y laisser que celui-là.”
Pourtant, après sa mort, les oeuvres sont oubliées et ce n’est qu’au XXe siècle qu’elles sont réhabilitées. Seule une quarantaine de tableaux ont été retrouvés, la plupart ayant péri dans l’incendie de Lunéville à l’époque de la guerre de 30 ans.

Aucun portrait ni autoportrait de l’artiste n’existe.

La peinture de Georges de La Tour, crépusculaire nébuleuse où une tache rouge dominante est immergée dans un monde clos de tonalités ocres à bruns, inspire silence et méditation. La plupart des scènes sont en intérieur et les personnages peu nombreux comme dans les peintures du Caravage. Cependant le style de Georges de La Tour n’est pas réaliste mais stylisé à l’extrême de façon presque cubique ; les volumes, étagés en plans simples jusqu’à la retenue, la pudeur, l’immobilité, sont apprêtés pour l’éternité ! Chez lui les cris sont intériorisés. Ce qu’il cherche au travers d’un visage lunaire, un geste suspendu, une attitude figée, un regard lointain ou aveugle c’est à questionner la destinée de l’homme.

Georges de La Tour transcende le quotidien de spiritualité, la lumière de subtilité.

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 Ci-dessous extrait du journal Midi Libre : l’arrivée au musée Fabre de Montpellier du célèbre tableau “Madeleine à la flamme fumante”

image(2)“Madeleine à la flamme fumante”, tableau jamais restauré, juste nettoyé mais dans un incroyable état de conservation, le jour où il a été dévoilé au musée Fabre. A gauche, avec les gants, Jean-Patrick Mirandel, conservateur au musée de Los Angeles qui le prête.” A ses côtés Monsieur Hilaire, conservateur du musée Fabre.

 

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Voici deux citations du poète René Char à propos de l’art de Georges de La Tour (extraits des textes : LE NU PERDU 1964-1970)

JUSTESSE DE GEORGES DE LA TOUR

26 janvier 1966.

L’unique condition pour ne pas battre en interminable retraite était d’entrer dans le cercle de la bougie, de s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant.

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Il ouvre les yeux. C’est le jour, dit-on. Georges de La Tour sait que la brouette des maudits est partout en chemin avec son rusé contenu. Le véhicule s’est renversé. Le peintre en établit l’inventaire. Rien de ce qui infiniment appartient à la nuit et au suif brillant qui en exalte le lignage ne s’y trouve mélangé. Le tricheur, entre l’astuce et la candeur, la main au dos, tire un as de carreau de sa ceinture ; des mendiants musiciens luttent, l’enjeu ne vaut guère plus que le couteau qui va frapper ; la bonne aventure n’est pas le premier larcin d’une jeune bohémienne détournée ; le joueur de vielle, syphilitique, aveugle, le cou flanqué d’écrouelles, chante un purgatoire inaudible. C’est le jour, l’exemplaire fontainier de nos maux. Georges de La Tour ne s’y est pas trompé.

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Interaction du fond et du sujet en peinture

Question d’un internaute :

 Lors de l’exécution d’un pastel faut-il : commencer par le fond (par exemple une montagne) puis passer par-dessus pour peindre (par exemple une biche) et doit-on “fixer ” le fond auparavant ou bien faire le premier plan et “mettre autour le fond”?

Réponse :

La tradition dans la plupart des techniques de peinture, dont le pastel, recommande de commencer l’œuvre par l’arrière-plan, c’est à dire le fond. C’est comme dans la vie, ce qui existe en premier induit et renforce ce qui vient par la suite ; les fondations soutiennent la maison !

Traiter d’abord le fond – ne pas fixer- chemin faisant apportera de la matière dont va bénéficier la définition du sujet ou premier plan. Cette pratique est une mise en oeuvre réfléchie pour faire surgir le sujet de façon accompagnée comme une naissance. C’est une exploration dans le miroir réfléchissant des pigments de pastel.

Si on commence à peindre « le premier plan » (ou le sujet) puis à traiter « autour le fond », on réalise plus un acte de juxtaposition et coloriage que d’immersion picturale. Mais pourquoi cette expression spontanée serait-elle à exclure ? Les peintures des enfants ne sont-elles pas les oeuvres les plus sensibles ? On peut également ne s’intéresser qu’au sujet ou inversement qu’au fond ; on peut évidemment envisager tout ce que l’on veut !

Tout est faisable en peinture, et il y a autant de façons de s’exprimer que d’artistes. L’art c’est la vie de l’imaginaire donc de toutes les libertés.  Il n’y a pas de règles d’architecture pour un château dans les nuages. G.K. Chesterton

Ci-dessous, quelques exemples de réalisations au pastel :

. Degas fixait des couches successives de pastel entre elles, parfois en grand nombre ! Le pastel une fois fixé chute de tonalité, peut prendre un aspect translucide de parchemin, et sa surface devenir légèrement rugueuse. Ainsi traitées, les superpositions entrent en résonance avec les ressources accumulées depuis la première couche et procurent chatoiement et profondeur à l’œuvre. La dernière couche de pastel n’étant pas fixée pour la conservation de sa « fleur ».

. Estomper légèrement, d’un doigt aérien, du pastel essaimé sur un support papier non travaillé, en couche fine, de façon que le pastel qui sera déposé par dessus puisse accrocher sans déraper ! La fugace luminosité ainsi obtenue diffusera sur le sujet. Par exemple une montagne dessinée sur un ciel éthéré semblera flotter à l’horizon.

. Réserver des pans du support papier coloré ou blanc, non pastellés. En fin de travail si ces trouées à l’état brut sont couvertes de pastel elles apparaîtront sous forme de lumière pure et s’imposeront tout naturellement au premier plan.

. Toute œuvre sur papier dont on est insatisfait, dessin, pastel, peinture à l’eau… est un fond incitatif à la création d’une œuvre nouvelle. Ces plages stimulent d’autant l’imagination que l’on ne craint pas de les violenter, ce qui libère le geste. Degas a exécuté des pastels aux couleurs ruisselantes de lumière à partir de ses monotypes en noir et blanc.

Dès que l’on commence à peindre, c’est souvent l’instant de grâce où, chargé de l’immanence de quelque chose de fort à délivrer, on est sous domination de l’intuition, et on oublie tout savoir ; il est alors moins question de composition de l’œuvre que d’orchestration d’un dépassement de soi !

Quelques soient ses moyens de construction, l’oeuvre est avant tout une interrogation de « fond » … de l’être !

 

A suivre :
– Observation d’après deux reproductions de pastels d’Odilon Redon
– Observation d’après les reproductions d’une aquarelle de Delacroix et d’une huile de Miró

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CAHIER DES ARESQUIERS

 

Cahier des Aresquiers est un ebook au format pdf, concocté par Huguette Bertrand, poète

Textes et marque-pages de Marie-Lydie Joffre

Lors de promenades à la plage – juillet 2005 à juillet 2006 – Marie-Lydie Joffre, impressionnée

par le paysage, confie ses sensations à un cahier de bord ! 

Cliquer sur Cahier des Aresquiers

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Site d’Huguette Bertrand http://www.espacepoetique.com/

 

POETARIUM

 Poétarium : art en résonance avec poésie

 Poèmes de Huguette Bertrand

 Pastels, encres et PastelLithes de Marie-Lydie Joffre

  Poetarium-cover(1)

Quand une artiste et une poète se rencontrent sur l’Internet, à quoi peut-on s’attendre ?
À un projet de poésie s’inspirant des PastelLithes, des dessins au pastel et à l’encre de l’artiste.
Le résultat a été publié sur l’Internet en livre électronique (e-book) format Pdf que vous pouvez télécharger et enregistrer à partir de
« La Bibliothèque électronique du Québec » à cette adresse :
 

http://beq.ebooksgratuits.com/contemporain/index.htm

Hans Hartung, « Les sujets de l’abstraction » 2

25 janvier 2012 22:17 – Par marie-lydie joffre

Hans Hartung, « Les sujets de l’abstraction » 2

 

Ne plus rien figurer, ce que j’aime faire, c’est agir sur la toile. Hans Hartung (1904 – 1989)

Pour retrouver les repères de mon cheminement aux coups de cœur d’une galerie à l’autre, j’ai acquis le catalogue de l’exposition « Les sujets de l’abstraction », lequel reproduit les 101 œuvres. C’est réjouissant, après le choc émotionnel avec l’oeuvre originale, de pouvoir, avec le recul du temps, en prolonger la mémoire grâce à sa reproduction, ainsi que de découvrir des œuvres auxquelles on avait accordé peu d’attention.

On va observer 3 peintures de Hans Hartung mentionnées sur la page 1 du carnet de bord présenté dans le message précédent. En introduction voici quelques notes biographiques sur la jeunesse de Hans Hartung pour éclairer la genèse de ses œuvres.

Hans Hartung est né à Leipzig en 1904. Enfant, il est curieux de dessin et d’astronomie. «Lorsque j’avais entre huit et douze ans, j’étais passionné d’astronomie. Je cherchais à dessiner des éclairs ». Hartung a une sensibilité musicale, il pratique la photographie, suit des cours de philosophie, histoire de l’art, se forme aux maîtres anciens dont il fait des copies de dessins ou de gravures : Holbein, Cranach, El Greco, Rembrandt. Il est intéressé par l’expressionnisme allemand, aquarelles et gravures de Nolde, peintures de Kokoschka lequel utilise des brosses plus larges pour peindre. Des œuvres dont il s’inspire, il en fait disparaître l’objet et n’en retient souvent que des taches de couleur. Dans ses aquarelles des années 20, son style abstrait s’impose, tracés noirs posés sur des notes de couleur. Opposé au nazisme, il s’établit en France en 1935. Au moment de la guerre, il s’engage dans la Légion étrangère. Grièvement blessé au siège de Belfort en 1944, il sera amputé de la jambe droite. En 1946, il est naturalisé français.

Hartung est considéré comme un des précurseurs de l’art abstrait, notamment  de « l’Abstraction lyrique » (Action painting aux USA) peinture gestuelle au graphisme spontané, et de l’art informel « Le tachisme ». On va essayer de donner corps à ces concepts au travers de l’observation des œuvres.

  HARTUNG_T1947_14_L     T 1947-14. Hans Hartung. 1947. Huile sur toile. 96,9 x 130 cm

Hartung ne donne pas de titre à ses œuvres sinon parfois OPUS, mais il précise : «  T » pour tableau à l’huile, « P »  pour pastel, suivis de la date et du numéro de classement.

Dans l’ensemble, ses toiles font beaucoup penser à des dessins, et parfois, c’est le cas dans cette œuvre, à des esquisses. Le fond de la toile est peu travaillé ou bien rehaussé de tonalités discrètes, Hartung n’est pas coloriste, c’est plus la ligne qui l’intéresse et ses sujets tournent autour de graphismes. L’homme est sensible et introverti. Il a beaucoup produit d’œuvres sur papier : pastels, dessins, gravures. Peu narcissique, sa signature est minuscule. Ici, elle est située en bas à droite en lisière du support sous le rectangle.

Cette œuvre gestuelle, aux lignes tendres, peintes à l’huile diluée, mais qui ont la transparence d’une aquarelle, sur un fond de touches rapides qui ont la matité du pastel, résonne cependant comme une machinerie de guerre. Elle en a les tonalités et les sonorités. On y trouve déployé un imbroglio en camaïeu de camouflage, traces de sable ocre, terre verte, beige-grège aux lueurs jaunes. Hartung, pendant la guerre, envoyé en Indochine et en Afrique du Nord a dû en parcourir des traversées du désert psychologiques ! Un soupçon de bleu de Prusse et du noir relèvent les tonalités. Le peintre a-t-il été marqué par la beauté noire des laques asiatiques, des calligraphies arabes ? Le noir devient sa couleur privilégiée.

Dans l’espace de traces anthracite, évidées ou pleines de la toile, soudain le drame d’un jambage noir solitaire, issu de nulle part, brisure anguleuse, oppose sa rigidité aux rondeurs viscérales, aux circonvolutions de fil chirurgical en action cousant une blessure, pareils à ces spirales à l’encre noire que Hartung trace parfois les yeux fermés pour calmer ses angoisses.

En 1921 il avait peint une toile d’après une reproduction des « Fusillades » de Goya, lequel dénonçait les horreurs de la guerre, dans un style en rupture avec l’académisme de l’époque. Goya s’était inspiré d’œuvres préexistantes. Rien ne naît de rien, les artistes se sont de tout temps aimantés les uns les autres, s’opposant tout en apposant leur grain de sel. Créer c’est s’inspirer de ce qui existe, c’est le désir d’initier d’autres images. Ainsi l’abstraction a pu naître en fonction de la figuration.

On dirait que la toile de Hartung est une réminiscence de l’œuvre de Goya « Tres de Mayo » !

Densité dramatique, intensité de l’engagement, mouvement, et jusqu’à l’oblique de la composition ; ça ferraille, et le feu perce un ventre déjà rendu en cendres. Il émane de l’œuvre une force émotionnelle directe, authentique, plus dramatique que tant de peintures à l’huile dans l’histoire de l’art représentant des scènes de guerre sous glacis. Si l’abstraction lyrique rompt avec la figuration, c’est pour dépasser le visible et faire ressentir le sensible.

On ressent également dans la toile de Hartung les projections de son traumatisme de guerre. Exorcisme, mais aussi dépassement par l’art ; regardez ce cercle faisant le point dans un carré, on réalise en regardant l’œuvre de loin que cela pourrait être l’objectif d’un télescope ouvrant sur le mystère de la vie. Il y a dans l’abstraction de Hartung une dimension humaine et spatiale.

   HARTUNG_T1962-U49_LT 1962-U49. Hans Hartung. 1962. Acrylique sur toile 65 x 92 cm

Œuvre des années 60. Ce n’est plus le tumulte de la guerre mais qui sait celui, intérieur, feutré, de l’angoisse. On ne peut pas trop extrapoler sur cette toile qui se refuse à toute interprétation systématique. Ce qui attire tout de suite l’œil c’est, au coeur du tableau, un abîme de nuit noire lacéré de cruauté, suspendu entre deux couleurs, brun sombre et vert moutarde. Les deux éléments ont la texture d’un textile à rayures ton sur ton ; celle réelle d’une toile à cru, juste teintée ? Ou bien la texture due à une de ces alchimies coutumières du peintre, obtenues à l’aide d’outils insolites comme un râteau par exemple dont il fait grand usage pour labourer la peinture fraîche et obtenir ainsi de nouvelles lignes ?

  Sur le fond noir, des lacérations au stylet ont été pratiquées avec véhémence jusqu’à traverser l’épaisseur de la toile. Elles brillent comme des fils d’argent. Par-dessous, fourmillent des incisions arachnéennes peignées comme une trame et qui semblent s’effilocher à partir de tissus. On ressent la violence du geste conjuguée à une technique au fil du rasoir, étrangère à la peinture, et dans le fond l’hypersensibilité d’une toile d’araignée. Défoulement de l’angoisse ? Pratique pour exorciser la peur des éclairs qui poursuit Hartung depuis l’enfance ? Le noir prédominant, probablement produit à l’aide d’un pistolet à peinture, diffuse sur les deux coloris son crépuscule envahissant.

 La peinture abstraite ne représente pas le visible mais la nature de l’invisible en quelque sorte. C’est une peinture de l’esprit avec sa force de représentation comme la littérature ou les mathématiques, inscrite dans l’imaginaire. Rompre avec la figuration pour en retenir l’intériorité, l’émotion, l’infini ?

HARTUNG_T1973-E12_LT 1973-E12, Hans Hartung. 1973. Acrylique sur toile 154 x 255 cm

Ci-dessus, œuvre symbolique de la fulgurance de l’art de l’artiste à maturité. Hartung travaille désormais sur de grands formats depuis les années 60. Cette peinture impressionne par son format majestueux, l’ascèse de la composition, l’équilibre en suspension, la propulsion des couleurs et des lignes, la sensation d’apesanteur. La reproduction du tableau est agrandie pour mieux faire pénétrer le grain de la peinture. La copie est imparfaite à cause d’une ligne d’ombre verticale aux 2/3 de la surface de l’oeuvre, artefact dû à la pliure du catalogue, et le manque d’une petite marge noire à droite, rognée par le scanner, sur laquelle le rectangle jaune se détache en entier. Cependant, en faisant  « abstraction » de ces inconvénients, on reste sensible à la vitalité des 3 figures géométriques, la dynamique de leurs couleurs primaires, symbolique de tout un monde, sang de la terre, soleil, mystère de la figure bleu-nuit, fendue de noir comme pour projeter son ombre bleutée.

 La diffusion brumeuse à l’horizon de la plage noire remontant à gauche et à droite en mourant dans le blanc d’un ciel, est obtenue par vaporisation de peinture noire. Hartung, soucieux de se renouveler, est toujours en quête d’expérimentation. Il utilise des outils variés pour peindre et dessiner, tels pistolet à peinture, vaporisateur, brosse large, rouleau de typo-gravure, stylet, sulfateuse de vigne, tuyau d’arrosage, râteau etc. jusqu’à des branches d’arbre et de genêts…

  Cette peinture est l’objet de contrastes magnétisés. Noir et blanc côte à côte, le non et le oui, pénétration réciproque du vide et du plein, rigueur des figures géométriques pleines opposées aux envolées de lignes fines comme l’herbe, effusion chromatique sur fond assourdi de noir, matière texturée sur fond neutre, transparence de l’opacité, ombre et lumière suspendues l’une à l’autre…

 Les figures géométriques, peintes en épaisseur, d’un bloc, probablement avec les brosses larges se détachent sur le fond noir tout en faisant remonter du noir sous-jacent à travers leur texture. Une telle opération de grattage nécessite vitesse d’exécution car la peinture acrylique sèche rapidement. La matière ôtée relève d’un travail de graveur. La calligraphie des lignes aériennes, en revanche, est exécutée sur le fond blanc, la matière est ajoutée et non retirée. (Hartung doit à l’époque se faire aider par des assistants à cause de l’âge et de son handicap physique)

 Ces 3 masses souterraines à l’éclat de pierres précieuses assurent une certaine solidité à l’architecture de la construction en même temps qu’elles semblent se déplacer comme des planètes dans le cosmos tandis que la fougueuse partition de lignes noires émergeant de la puissance des couleurs nous invite à entrer dans la musique !

Catalogue de l’exposition : Les sujets de l’abstraction, sous-titre : Peinture non figurative de la seconde Ecole de Paris, 1946-1962. 5 continents éditions, diffusion Seuil, France

Ce lourd pavé de format presque carré 28×29 cm répertorie les 101 œuvres de la fondation Gandur, certaines agrandies en page simple ou double, la plupart présentées sur la page de droite et accompagnées d’un texte sur la page de gauche. Les reproductions des œuvres sélectionnées dans les messages du Blog seront scannées à partir des illustrations de ce catalogue.

A suivre : Hartung, un pastel et 3 huiles

Huguette Bertrand, poète, et Marie-Lydie Joffre, artiste, dans les étoiles d’encre !

Dialogue entre Huguette Bertrand, poète, et Marie-Lydie Joffre, artiste, dans la revue étoiles d’encre n° 55-56 sur le thème de la légèreté, publiée en octobre 2013

 

 

 

 

étoiles d’encre. Revue de femmes en Méditerranée.