Georges de La Tour (Vic-sur-Seille, 1593 – Lunéville 1652)
Le Nouveau-né. Huile sur toile. Vers 1648. H. 76 cm ; L. 91 cm. Rennes, musée des Beaux-Arts
Voici l’inespéré en peinture ! Quiétude de l’inquiétude, chaleureuse intimité, les âges de la vie, jeune maman étonnée, pensive, petit souffle de tendresse comme un brin de buée au nez du nourrisson, on ne se lasse pas de contempler ce chef-d’oeuvre, sans cesse renouvelé telle la respiration. Oeuvre universelle.
Georges de La Tour est un peintre visionnaire. En son temps, le XVIIe siècle, ses oeuvres étaient déjà très appréciées. L’artiste, peintre ordinaire du roi Louis XIII recevait des commandes de la part de la Cour et de clients parisiens. Il avait offert au roi une peinture de “Saint Sébastien”, pièce si belle que le monarque “fit ôter de sa chambre les autres tableaux pour n’y laisser que celui-là.”
Pourtant, après sa mort, les oeuvres sont oubliées et ce n’est qu’au XXe siècle qu’elles sont réhabilitées. Seule une quarantaine de tableaux ont été retrouvés, la plupart ayant péri dans l’incendie de Lunéville à l’époque de la guerre de 30 ans.
Aucun portrait ni autoportrait de l’artiste n’existe.
La peinture de Georges de La Tour, crépusculaire nébuleuse où une tache rouge dominante est immergée dans un monde clos de tonalités ocres à bruns, inspire silence et méditation. La plupart des scènes sont en intérieur et les personnages peu nombreux comme dans les peintures du Caravage. Cependant le style de Georges de La Tour n’est pas réaliste mais stylisé à l’extrême de façon presque cubique ; les volumes, étagés en plans simples jusqu’à la retenue, la pudeur, l’immobilité, sont apprêtés pour l’éternité ! Chez lui les cris sont intériorisés. Ce qu’il cherche au travers d’un visage lunaire, un geste suspendu, une attitude figée, un regard lointain ou aveugle c’est à questionner la destinée de l’homme.
Georges de La Tour transcende le quotidien de spiritualité, la lumière de subtilité.
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Ci-dessous extrait du journal Midi Libre : l’arrivée au musée Fabre de Montpellier du célèbre tableau “Madeleine à la flamme fumante”
“Madeleine à la flamme fumante”, tableau jamais restauré, juste nettoyé mais dans un incroyable état de conservation, le jour où il a été dévoilé au musée Fabre. A gauche, avec les gants, Jean-Patrick Mirandel, conservateur au musée de Los Angeles qui le prête.” A ses côtés Monsieur Hilaire, conservateur du musée Fabre.
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Voici deux citations du poète René Char à propos de l’art de Georges de La Tour (extraits des textes : LE NU PERDU 1964-1970)
JUSTESSE DE GEORGES DE LA TOUR
26 janvier 1966.
L’unique condition pour ne pas battre en interminable retraite était d’entrer dans le cercle de la bougie, de s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant.
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Il ouvre les yeux. C’est le jour, dit-on. Georges de La Tour sait que la brouette des maudits est partout en chemin avec son rusé contenu. Le véhicule s’est renversé. Le peintre en établit l’inventaire. Rien de ce qui infiniment appartient à la nuit et au suif brillant qui en exalte le lignage ne s’y trouve mélangé. Le tricheur, entre l’astuce et la candeur, la main au dos, tire un as de carreau de sa ceinture ; des mendiants musiciens luttent, l’enjeu ne vaut guère plus que le couteau qui va frapper ; la bonne aventure n’est pas le premier larcin d’une jeune bohémienne détournée ; le joueur de vielle, syphilitique, aveugle, le cou flanqué d’écrouelles, chante un purgatoire inaudible. C’est le jour, l’exemplaire fontainier de nos maux. Georges de La Tour ne s’y est pas trompé.
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