Pouvoir marcher sans tromper l’oiseau
du coeur de l’arbre à l’extase du fruit
René Char
( in A la santé du serpent 1954)
Rémanence
D’une saison à l’autre
le songe s’en échappe.
Interpelés les marcheurs
s’interrogent :
Qui vivait en cette demeure
aux fondations émoussées
aux éboulis épars
de pierres sèches ?
On devine l’entrée du jardin
avec l’accueil du gardien solitaire –
l’imposant cyprès bien droit
levé vers le ciel.
Il courbe sa cime au gré
des facéties du vent.
Un nouveau songe s’échappe
des murs disparus
dans la vibrante lumière,
alors que moutons et chèvres
broutent sur leurs restes,
les égaillant de la musique
des cloches
pendues aux cous
des bêtes de tête.
Un couple s’est assis là,
à l’abri d’un muret.
Ils déjeunent sur l’herbe,
s’embrassent et s’alanguissent,
la douceur du lieu les y invite.
Courte halte car l’après-midi avance :
Des heures à venir
à parcourir des kilomètres de nature.
Ils repartent, leurs pas vacillent
sur les pierres instables du chemin,
la femme et l’homme.
Ils tournent leurs regards,
adieu muet
vers cette complice de leur amour.
La frondaison bientôt fera rempart.
Christine Jouhaud-Mille
6 juillet 2012
Cette publication est parue dans la revue étoiles d’encre n° 55-56, sur le thème de la « Légèreté »